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Jules JOUY
(1855-1897)
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Cent ans ont passé depuis que Jules Jouy, pilier de la chanson montmartroise et chansonnier majeur du XIXè siècle, est mort.
Un siècle pendant lequel les caprices de l'histoire ont mis un voile d'oubli dans la mémoire collective sur la popularité passée de Jouy.
Jules Jouy était surnommé par ses confrères de la "Butte", "la chanson faite homme", tant étaient déconcertantes la facilité et la rapidité avec lesquelles il écrivait. Mais ce qui ne pourrait n'être qu'un phénomène devient un atout indispensable lorsque, comme lui, on décide de publier quotidiennement dans la presse une chanson d'actualité. Pendant les quatre années que dura la crise boulangiste, ce sont plusieurs centaines de textes qui furent ainsi publiés. Jamais dans l'Histoire de France, une période sera "couverte" de la sorte, à la manière d'un journaliste, par un chansonnier aussi tenace.
Toutefois, Jouy n'a pas seulement abordé la chanson par son côté historico-politique. Il fut également auteur de plusieurs revues, de centaines de chansons de café -concert, de chansons sociales (dont certaines eurent un retentissement énorme), de chansons patriotiques, de chansons anarchistes, de chansons macabres dues en particulier à son obsession de la guillotine, de comptines pour enfants, de chansons comiques, de romances, de chansons malheureusement antisémites, de monologues et même de chansons publicitaires. Ses chansons furent créées par les plus grandes vedettes de l'époque : Yvette Guilbert, Thérésa, Margurite Dufay, Polin, Bonnaire, Marguerite Réjeane, Anna Judic, Félix Galipaux, Fragson, Paulus, Sulbac, Mévisto aîné, Kam-Hill, Coquelin cadet, Aristide Bruant... Plus d'une centaine d'interprètes présentent ses chansons sur les planches des principales salles parisiennes : L'Eldorado, La Scala, Le Pavillon de l'horloge, Le XIXè Siècle, Le Parisiana, La Gaîté, A Ba-Ta-Clan, Les Ambassadeurs, L'Européen, L'Eden-concert, L'Alcazar d'été...
Jumet (c'était son sobriquet) était aussi rédacteur de multiples journaux prestigieux ou éphémères, membre des Hydropathes, des Hirsutes, auteur de pièces d'ombres, chansonnier au cabaret du Chat noir, ou dans différents cabarets et sans doute "nègre" d'auteurs en manque d'inspiration. Bref un chansonnier complet, comme peu le furent.
En plus de l'abondance dans l'oeuvre, il y a la qualité présente parfois là où on ne l'attend pas. Se priver d'une de ces facettes revient à piper un dé.
Chansonnier exceptionnel, il est pourtant loin d'avoir la célébrité posthume d'un Botrel ou d'un Bruant "super star". Sa fin tragique dans une clinique psychiatrique, à l'âge de quarante-deux ans, l'a privé de tout enregistrement de ses chansons. Il n'avait ni cabaret, ni journal, ni maison d'édition et n'eut pas la chance d'avoir un affichiste de génie, ce que fut Henri de Toulouse-Lautrec pour Bruant.
De plus, il n'a pas su profiter financièrement d'une production considérable (plusieurs milliers de textes). Issu d'un milieu pauvre, il vécut pauvrement et mourut peu enrichi.
L'apport des chansons de Jouy fut tel que Maurice Donnay, dans son ouvrage Autour du Chat noir, (éditions Grasset, 1926), n'hésita pas à écrire que : "Jouy avait fait dans la chanson une révolution analogue à celle que les Naturalistes et les Impressionnistes avaient faite dans le roman et la peinture".
Tandis que pour Jacques Ferny, chansonnier contemporain de Jouy et historien de la chanson, "Jules Jouy domine la chanson du XIXè siècle, sans nullement excepter Bérenger le prestigieux". Ferny et Donnay ne furent pas les seuls à porter ce jugement, au grand dam des détracteurs de Jouy. Certains chansonniers, dans la grande tradition du Caveau et même de La Lice chansonnière pourtant plus progressiste, refusaient à la chanson le droit de traiter de politique, la chanson ne devant rester qu'une distraction.
Si Jouy fut le descendant direct des grands chansonniers révolutionnaires qui se sont battus en 1848 pour la République et en 1871 pour la Commune, il ne s'arrêta pas à l'avènement de la République pour défendre ses idées progressistes. Les outrances ou les écarts de langage sont quelques-unes des armes de cet agitateur et n'en amoindrissent pas la qualité de son écriture.
Écrire autant de textes (plus de trois mille), en si peu de temps (vingt ans), est une prouesse.
Il est inutile d'être excessif en faisant croire qu'il ne s'agit que de chefs-d'œuvres, ce serait mensonger. La révolution dont a parlé Maurice Donnay réside davantage dans le choix des thèmes abordés ainsi que dans leur traitement plutôt que dans une certaine perfection d'écriture.

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